Adaptant la prose lyrique de Pierre Michon, Thierry Jolivet se livre à une cérémonie de l’intime, un exercice quasi liturgique visant à célébrer Van Gogh dans sa vie privée.

Joseph Roulin fut régulièrement peint par Van Gogh. Cet anonyme, employé des postes, alcoolique et républicain, l’écrivain Pierre Michon se plut, dans son roman paru en 1988, à l’imaginer comme l’ami intime du peintre, malgré le fait qu’il n’y entendait rien à l’art ; peut-être précisément à cause de cela. A` la manière d’un poème en prose, la verve lyrique de Michon dépeint leur relation fantasmée et rend hommage à l’homme derrière l’artiste : cet individu écorché, qui n’eut jamais de succès de son vivant. Qualifie´ de « chef-d’œuvre minuscule » par Le Monde à sa sortie, le roman de Pierre Michon a hante´ Thierry Jolivet. Séduit par le souffle épique et cabosse´ des grands textes – il a adapté par le passe´ Cendrars, Dante, Boulgakov, Dostoi¨evski –, le comédien a l’habitude de manier un théâtre brut et archaïque dont les soubresauts disent les tracas et contradictions de ce monde. Il a cette fois pris comme un défi personnel de rendre hommage à cette écriture lyrique, dense et dentelée, tant comme acteur que metteur en scène.

Terrasse´ par la beauté de ce texte, qu’il décrit à la fois comme un conte et un chant, Thierry Jolivet a imaginé un dispositif scénique pour en incarner la puissance sonore : un acteur, deux musiciens, et une toile de fond qui restitue de manière immersive les toiles du maître.