Cet automne, la Galerie Oniris expose pour la seconde fois l’artiste franco-coréenne Soo Kyoung Lee. Diplômée en littérature française à Séoul puis à Paris, elle décide de suivre son rêve et se met à la peinture. Malgré le fait que l’artiste « a appris toute seule à peindre, sans professeur », ses œuvres colorées, sa gestuelle et sa manière unique de travailler la peinture sont facilement identifiables pour chacun qui a déjà eu l’occasion de découvrir son univers artistique.
Soo Kyoung Lee est une adepte de la peinture abstraite et spontanée, elle avoue de ne jamais faire aucune préparation avant d’entamer le travail. Pour elle, le plus important c’est le geste. La pensée et l’action sont simultanées et c’est dans cette continuité des gestes que la peinture devient tangible.
Les critiques d’art soulignent le paradoxe des œuvres de l’artiste : celles-ci sont à la fois un acte de « voilement et de dévoilement, de décision et de surprise ». Ce paradoxe est dû au fait qu’elle construit son tableau par le procédé de plusieurs couvrements et recouvrements. Sur un fond monochrome, les formes abstraites déambulent, se chevauchent, se superposent, disparaissent. Soo Kyoung Lee se passe d’interprétation et dit que ses œuvres « ne signifient rien ». Elles sont à l’image de la pensée d’artiste : une pensée libérée de toute idée préconçue lorsqu’elle laisse ses pinceaux s’exprimer.
Dans une perpétuelle déclinaison, Soo-Kyoung Lee change de formats en adaptant le geste initial à la mesure de l’espace. Elle peut même changer parfois de techniques au beau milieu d’une séance pour ajouter de la texture ou, par exemple, changer de support. Depuis un certain nombre d’années, Soo-Kyoung Lee a adopté la peinture sur bois pour amener du relief et en quelque sorte faire un lien avec la culture coréenne.
Le nom de l’exposition « Memoria » (lat. mémoire) décrit le paradoxe auquel l’artiste est confrontée constamment durant son processus créatif : elle est tenue à chasser sa mémoire et, en même temps, travailler avec celle-ci.
« Le mot « tradition » résonne en moi de manière paradoxale dans le sens où je reconnais certains repères pour mieux m’en éloigner. Venant de l’Asie, j’ai beaucoup observé les œuvres sur papier. Elles exigent des gestes précis et des décisions rapides soumis à une matière qui ne peut tolérer ni reprises ni repentirs. L’œuvre dépend essentiellement de la maîtrise du geste. Mon souci plastique a dû se séparer de cette conception. Au contraire, je contrarie mes gestes dès qu’ils tendent à se répéter. Mon travail procède de multiples actions, que je répète pour mieux les différencier. »
Même si dans sa technique Soo Kyoung Lee a dû s’éloigner des traditions d’Asie, une partie de l’exposition « Memoria » est empreint de sensibilité coréenne, de souvenirs d’enfance. Cette série, appelée « Munpei » [plaque de porte], renvoie à une vielle coutume coréenne qui consistait à mettre à côté de la porte un panneau rectangulaire sur lequel était inscrit le nom du résident de la maison. L’artiste travaille avec la substance et, en découpant le bois de manière totalement libre, elle remplace le nom spécifique par des formes abstraites.
La série de « Munpei » contient 1000 pièces uniques et colorées dont chacune livre un message à celui qui la regarde, comme un jour c’était le cas avec la plaque de porte en Corée.
Dans cette nouvelle exposition à la Galerie Oniris, vous trouverez des tableaux et des œuvres sur bois réalisées ces deux dernières. Ces œuvres illustrent l’évolution du procédé créatif de Soo Kyoung Lee tout en gardant une spontanéité caractéristique.